Mon collègue le robot!

ÉDITORIAL ARIANE KROL– La Presse+

Même si la vitesse du changement est encore difficile à prédire, le monde du travail québécois n’échappera pas à l’impact de la robotisation et de l’automatisation. Il faut s’y préparer dès maintenant, plaide un rapport publié ce matin par l’Institut du Québec.

« Personne ne sera à l’abri des conséquences des technologies dites « intelligentes », et le secteur des services et tout métier routinier deviendront rapidement « préoccupants ». Avec les bouleversements de l’automatisation et des modèles d’affaires numériques, on assistera à l’élimination, à la réduction et à la réaffectation partielle ou totale de plus de 1 million de postes québécois d’ici 2030 », écrit l’auteur, Éric Noël, vice-président principal de la firme Oxford Analytica.

Quelque 1,4 million d’emplois, soit environ le tiers des postes actuels, seront touchés à divers degrés (chômage, nouvelles tâches, besoins de formation, etc.), a-t-il calculé en extrayant les données québécoises d’une étude récente de l’Institut C.D. Howe.

ET 2030, C’EST DANS À PEINE PLUS DE 10 ANS – AUTANT DIRE DEMAIN.

« Est-ce qu’on a assez de créativité pour bien comprendre ce qui est positif là-dedans, à savoir les nouveaux emplois qui vont arriver, le temps que vous aurez pour faire autre chose ? », soulève Éric Noël en entrevue.

C’est, effectivement, la seule façon utile d’envisager la situation. Il faut dépasser le réflexe primaire de peur, de rejet ou de découragement devant les robots-qui-vont-remplacer-les-travailleurs-d’usine et l’intelligence-artificielle-qui-va-faire-disparaître-les-emplois-de-bureau. Sans quoi on risque de gaspiller un temps précieux qui devrait servir à réfléchir de façon constructive.

Qu’il s’agisse d’une usine ou d’un fournisseur de services, l’entreprise qui refuse d’investir dans les nouveaux systèmes de production ou de gestion de l’information s’expose à être supplantée par des concurrents plus audacieux.

Les travailleurs qui ne s’interrogent pas sur la façon dont leur tâche, leur employeur ou l’ensemble de leur secteur sera affecté pourraient avoir de bien mauvaises surprises.

Les institutions publiques qui négligeront les possibilités de l’intelligence artificielle vont priver les contribuables de gains d’efficacité importants, tant au point de vue des coûts que de la prestation de services.

ET LES ÉTATS QUI NE S’INTÉRESSENT PAS À L’ENSEMBLE DE CES ENJEUX SE PRÉPARENT UN RÉVEIL BRUTAL.

L’éducation doit remonter dans la liste des priorités. Il faut s’assurer qu’un maximum de Québécois acquièrent une solide formation de base, tout en développant une culture de la formation continue. D’un côté comme de l’autre, le Québec a encore des croûtes à manger.

Le rapport propose une piste intéressante : un compte individuel permanent pour la formation, dans lequel chaque travailleur pourrait accumuler des épargnes, du financement extérieur et même du temps de son employeur pour se perfectionner tout au long de sa carrière. L’idée d’un tel compte personnel, qui ressemblerait un peu à celui du Régime des rentes, a aussi été évoquée dans le rapport sur le minimum garanti, présenté au ministre de l’Emploi François Blais il y a deux mois. C’est un concept qui mérite d’être exploré.

La disparition et la transformation d’une multitude de postes sous l’effet des avancées technologiques posent de nombreux autres défis.

Que faire lorsque l’automatisation, si bienvenue pour pallier les pénuries de main-d’œuvre, fera aussi disparaître les seuls emplois accessibles aux travailleurs peu qualifiés ? Comment aider les PME locales à demeurer concurrentielles face à des géants étrangers armés des technologies dernier cri ? Et comment assurer le financement des services publics si les revenus des particuliers, qui fournissent la plus grande proportion des recettes fiscales, deviennent plus précaires et moins prévisibles ?

La réflexion commence à peine. Il est urgent de l’intensifier.

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