ANALYSE – Dès le début des négociations en août dernier, il est apparu clairement que le Québec et le Canada n’avaient pas grand-chose à gagner de cette opération souhaitée et imposée par l’administration Trump. Le gouvernement américain est puissant, il impose ses vues et son approche est si protectionniste qu’il est impossible pour le Mexique et le Canada de croire qu’il ne faudra pas faire d’importantes concessions pour sauver l’Accord.
Au pire, les experts affirment que la fin complète de l’ALENA ferait en sorte que les parties se soumettraient dorénavant aux règles de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. Il faut savoir que, de toute façon, il serait difficile, dans les faits, de défaire les relations commerciales développées depuis 25 ans qui ont permis aux trois pays de tripler le commerce entre eux. Les économies, dans certains secteurs, sont tellement interreliées qu’il est impensable d’imaginer que ces liens vont se rompre.
En fait, le noyau de l’affaire, c’est le déficit commercial des États-Unis avec le Mexique qui dépasse les 60 milliards de dollars US par année. Depuis 1993, les exportations américaines vers le Mexique ont bondi de 455 %, mais les importations en provenance du Mexique ont grimpé de 637 %. Le fondement des politiques du président Trump s’appuie en grande partie sur ce déficit commercial, qui avantage les exportateurs mexicains.
Et des centaines de milliers d’emplois ont été perdus dans le secteur de la fabrication aux États-Unis au profit du Mexique depuis le début des années 90. C’est ça qui irrite profondément les Américains. Et c’est cet état de fait que Donald Trump dit vouloir changer.
Dans les faits, avant le Mexique, le vrai problème pour Donald Trump, il est en Chine. Le président l’a dit, d’ailleurs, durant son séjour là-bas : notre déficit commercial est trop grand. Je ne vous blâme pas, a-t-il dit aux Chinois, je blâme les administrations américaines passées. Aujourd’hui, la Chine représente 40 % du déficit commercial américain.
Des questions fondamentales
Les enjeux sont grands pour le Canada. L’ALENA, c’est la plus grande zone de libre-échange du monde avec ses 500 millions d’habitants. Mais, sommes-nous prêts à céder une partie de notre production automobile parce que les États-Unis veulent augmenter la part américaine associée aux règles d’origine? Le Canada est-il prêt à laisser les tribunaux américains juger des différends entre les pays à la place d’un mécanisme indépendant?
Le Canada est-il prêt à abandonner la gestion de l’offre, l’exception culturelle, tout en voyant son accès au marché américain être restreint par des lois protectionnistes? Jusqu’où le Canada est-il prêt à aller pour signer un nouvel accord de libre-échange? Jusqu’à quel point est-il dans l’intérêt des entrepreneurs et des travailleurs canadiens de céder aux exigences de nos voisins?
Il est clair que la fin de l’ALENA aurait un effet néfaste sur l’économie canadienne. Sur le dollar canadien, d’abord, qui pourrait tomber à 70 cents US selon Desjardins, probablement plus bas encore. « L’ajout de tarifs douaniers, écrivait l’économiste Hendrix Vachon le 7 novembre, créerait un incitatif à produire plus aux États‐Unis et les pressions inflationnistes qui en découleraient encourageraient la Réserve fédérale à poursuivre son resserrement monétaire, voire à l’accélérer. »
Le Canada et le Mexique ont dit clairement qu’ils n’allaient pas quitter la table des négociations. L’administration Trump menace depuis des mois d’amorcer le retrait des États-Unis de l’Accord de libre-échange nord-américain, sans préciser toutefois si les représentants américains resteraient tout de même à la table des négociations.
Sortir de l’ALENA, une promesse que Donald Trump peut tenir
Il est tentant de croire que les menaces américaines sont du bluff. Mais s’il y a une promesse que le président Trump peut mettre en oeuvre, c’est bien celle de sortir de l’ALENA. Plusieurs de ses engagements sont bloqués par les cours de justice ou par le Congrès. Une sortie de l’ALENA est un geste à la portée du président, qui pourrait toutefois avoir maille à partir avec plusieurs membres du Congrès, qui comprennent bien l’importance de l’ALENA.
Donald Trump pourrait, au moins sur le plan symbolique, réaffirmer à sa base politique son engagement à s’opposer aux accords de libre-échange.
Quoi qu’il en soit, les Canadiens n’accepteront pas que leur gouvernement se mette à plat ventre devant les États-Unis. Les élections, au Canada, approchent déjà, on a l’impression qu’on passe notre temps à préparer le prochain scrutin! Il est clair que plus le temps passe, plus le gouvernement Trudeau cherchera à exprimer sa fermeté face à l’administration Trump. Compte tenu de l’intransigeance américaine, jusqu’à quel point le Canada doit-il consacrer des énergies à conclure un nouvel ALENA?
Relations commerciales – Canada – États-Unis
- échanges de 1,8 milliard de dollars par jour
- 76 % des exportations du Canada vont vers les États-Unis
- 3,4 millions d’emplois au Canada
- PIB combiné des 3 pays : 21 100 milliards de dollars US (28 % du PIB mondial)
- Commerce entre les 3 partenaires : 1000 milliards de dollars US par année
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