ANALYSE de Rudy Le Cours
Après trois légers surplus d’affilée, ce qui devait arriver arriva : le commerce international de marchandises du Canada a replongé en déficit, en février.
Les données publiées hier par Statistique Canada n’ont rien de réjouissant : la valeur des exportations a reculé de 2,4 % par rapport à janvier tandis que celle des importations a augmenté de 0,6 %. Résultat net : un déficit de 972 millions après un surplus de 420 millions, estimé d’abord à 810 millions.
Le recul des exportations était généralisé, bien que des éléments marquent un retour à la normale. Ainsi, après trois mois de fortes livraisons de canola à la Chine, l’empire du Milieu a choisi de passer son tour. Du coup, le déficit canadien envers son deuxième client s’est creusé de plus d’un demi-milliard à 1,35 milliard.
En revanche, la chute de 23 % des livraisons d’aéronefs est plus inquiétante : elle marque un troisième recul mensuel d’affilée et porte l’hémorragie annuelle à 21 %.
Le solde commercial s’est détérioré avec la plupart des clients importants du Canada, à l’exception des États-Unis, avec qui le surplus augmente de 60 millions à 4,47 milliards, et du Royaume-Uni, avec qui il augmente de 360 millions à un peu plus de 1 milliard.
En définitive, le solde commercial avec les pays autres que les États-Unis s’est détérioré de 1,4 milliard pour creuser le déficit à 5,4 milliards.
De façon plus générale, l’élément peut-être le plus décevant de ce rapport, c’est la détérioration des livraisons hors énergie. Le déficit de cet ensemble est le plus imposant des cinq derniers mois.
C’est d’autant plus décevant que la production manufacturière avait enfin atteint son niveau de production de 2008, en janvier.
Les chiffres du commerce international présagent sans doute un autre repli à ce chapitre. Chose certaine, ils semblent indiquer que ce ne sont pas tant les marchés extérieurs que les Canadiens qui absorbent le gros de l’augmentation de la production en usines.
L’incapacité à profiter de la croissance américaine semble toucher surtout les fabricants de biens finis. Les biens de consommation, un segment qui pesait 1,6 milliard de plus que les produits énergétiques il y a un an, valaient ainsi 2,6 milliards de moins en février.
Certes, le prix du pétrole s’est particulièrement apprécié durant cette période. Fin janvier 2016, le baril était sous la barre des 30 $US. Il dépasse les 50 $US ces jours-ci.
La montée des prix du brut n’explique pas tout. La valeur des biens de consommation exportés recule de 10 % en un an.
La forte activité des usines américaines, comme le suggère l’indice ISM publié en début de semaine, porte à croire que les fournisseurs canadiens d’intrants auront peut-être eu meilleure partie en mars.
Il n’en demeure pas moins que l’augmentation de 4,4 % des exportations depuis février 2016 s’explique uniquement par la poussée de 80,7 % des produits énergétiques.
Le Canada paraît toujours incapable d’affranchir son commerce extérieur de ses livraisons de pétrole, de gaz naturel et de charbon.
Ce sera sans doute le plus bel argument que nous présentera le gouverneur de la Banque du Canada, la semaine prochaine, dans le cadre de la publication du Rapport sur la politique monétaire. Dans ses rencontres avec la presse, Stephen Poloz insiste davantage sur ce qui ne va pas bien dans l’économie canadienne, malgré le regain d’activité observé depuis l’été.
La Banque souhaite que les exportations hors ressources et les investissements des entreprises prennent le relais de la consommation et du bâtiment résidentiel comme moteur de la croissance.
La fin du choc pétrolier et la bonne performance du marché du travail semblent agir comme des résistances à ce passage de témoin.
Si les intentions d’investir des entreprises semblent plus affirmées, selon les résultats de l’Enquête sur les perspectives des entreprises, publiés lundi, la baisse en février de 0,8 % des importations de machines, de matériel et de biens industriels, de même que celle de même ampleur de produits électroniques et électriques, montre que subsistent des délais entre les intentions des entreprises et leur passage à
l’acte.
source: La Presse+